AVANT LE LYCÉE FÉNELON : ENTRE RITES ET DESTIN FUNESTE

Cela peut sembler évident mais Fénelon n’a pas toujours existé…

En remontant le temps, et en trouvant des débris enfouis depuis plus de cinq siècles, une équipe de chercheurs du XIXème siècle, sous l’ordre d’Andrew Botcholevski, découvrit une vérité, un passé mystérieux, appartenant à l’ancêtre géographique de notre lycée… un lieu de rites sectaires effrayants.

Voici ce qu’il se passait, bien avant que le lycée ne soit fondé, durant une période parfois appelée “l’âge des ténèbres”…

Guérison du parjure, 1450-1500ca. La-Roche-de-Rame, Saint-Laurent

CONTEXTE HISTORIQUE : UNE PÉRIODE DE CRISE

Lille, 1349.

      Après un long épisode de Peste Noire (1346-1353) ayant ôté la vie de 7 millions de français, certains remettent en question leur rapport à la religion. Entre soulèvements du peuple et famines, le Royaume de France, sous la dynastie des Valois, connaît une période très instable, où il devient difficile de faire régner l’ordre, d’autant plus qu’il est toujours impliqué dans la Guerre de Cent-Ans (qui, en réalité, dura 116 ans). 

      De cette manière, Tristan Faure, riche chapelain de la chapelle de Saint-Martin (sur l’actuelle rue Alexandre Leleux), en vient à fonder une secte d’adorateurs de la lune, qui serait selon lui la seule source d’espoir restante. Cet astre céleste deviendra par la suite sa seule raison de vivre, délaissant ainsi sa femme, Adélaïde Pelletier (nom de famille hypothétique, les sources n’étant pas vérifiées).

Néanmoins, sa nouvelle conviction n’est pas partagée par grand monde, ce qui contraint le malheureux chapelain à  reprendre son ancienne profession. Il ne reste cependant pas sans l'espoir d'accueillir de nouveaux adeptes à la recherche de LA vérité…

      Mais coup de tonnerre ! Le 19 septembre 1356, lors de la bataille de Poitiers, Jean II Le Bon, roi de France, est fait prisonnier par Édouard de Woodstock, dit le “Prince Noir”.

La France entre à nouveau dans une période de trouble. M. Faure en est certain, cette fois-ci, sa croyance va attirer du monde. Lors d’une promenade près des marécages de Lille, le religieux entendit deux marchands dialoguer au sujet de l’Eglise. Homme éloquent qu’il est, il leur fit un long discours, promouvant sa jeune religion qui avait été laissée dans l’oubli. Les deux marchands, convaincus par ses paroles porteuses d’espoir, rejoignirent instantanément son groupe. Par un bouche à oreille discret dans les alentours, de nombreux individus, désireux de trouver un sens à leur vie se joignirent à leur tour au groupe. C’est ainsi qu’une vingtaine d’ex-catholiques commencèrent à adorer la lune. 

Information importante : 

Ce n’est pas la lune à proprement parler qu’ils vénéraient, mais Nyx (cf la mythologie grecque, la Théogonie d’Hésiode), la déesse de la nuit, personnifiant selon leurs dires la lune, vivant dans l’Inframonde, une sorte de “gouffre sans fond au-delà des enfers, où tout n’est qu’obscurité”. Nous reviendrons dessus plus tard.

Nyx par Henri Fantin-Latour.

APOGÉE 

      Leur lieu de culte se trouvait à la place de notre actuel Lycée, composé de la gigantesque demeure de l’ancien chapelain, ainsi que d’une somptueuse et vaste cour faite de pierre, et  de la fameuse chapelle de Saint-Martin, renommée ensuite “Maison du clair éclat”.

Aucune trace de hiérarchie claire n’a été trouvée dans les archives. En effet, un certain Enguerrand aurait écrit, aux alentours de 1358, un ouvrage à propos de ce groupe, prenant de plus en plus d’ampleur au sein de la ville, mais en restant tout de même discret (les normes religieuses étaient très sévères). Cet ouvrage fut retrouvé quelques mois après les premières découvertes de l’équipe de chercheurs, en piteux état.

Chaque individu est libre de pratiquer comme il le sent mais doit se soumettre à une série de tâches obligatoires réunies sous l’appellation “corvada”.

Les émotions de Nyx : 

      Les membres de la communauté croyaient en l’expression des émotions de Nyx représentées à travers la Lune. Malgré les observations réalisées par Méton (432 avant JC) affirmant que la lune avait des “phases” (il faut attendre Copernic pour calculer précisément la durée de la lunaison étant de 29 jours, 12 heures, 44 minutes et 2,9 secondes), les croyances populaires voyaient la Lune comme un monde inatteignable. En l'occurrence, Tristan Faure et ses compagnons pensaient que c’était ici que Nyx résidait. Ils pensaient que l’inframonde était la lune, et que ses phases étaient en réalité les émotions de Nyx se reflétant à la surface. 

      “Depuis l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge, la Lune [...] a eu valeur de frontière. L’univers était divisé en deux secteurs : ce qui se trouvait au-dessous d’elle, monde en constante mutation dans lequel vivent l’homme et les autres êtres, et le monde supralunaire, royaume de la perfection et de l’incorruptible, où tout se meut en cercle, sans commencement ni fin. La Lune représentait le prélude des cieux.” (Le Monde, Histoire et Civilisations). Mais Galilée a permis de réfuter cette croyance et de démontrer que la lune “était un astre comme les autres”. 

Les différentes phases de la lune exprimant une émotion se sont vu attribuer une offrande différente : 

• Pleine lune : extase → volaille sacrifiée

• Lune gibbeuse décroissante : ennui → poisson sacrifié

• Premier quartier : gaieté → aucune donnée

• Premier croissant : confiance → aucune donnée

• Nouvelle lune : colère → rien

• Dernier croissant : surprise → cerf sacrifié

• Dernier quartier : crainte → boeuf ou chevreuil sacrifié

• Lune gibbeuse décroissante : déception → aucune donnée

Les rites prenaient place chaque mardi et samedi : 

      Au coucher du soleil, et en s’aidant du nocturlabe (donnant l’heure la nuit grâce aux étoiles), Tristan Faure et ses compagnons récitaient des chants en latin, en cercle, espacés d’une distance très précise (avant l’arrivée du mètre en 1791, les unités de mesures étaient propres à chaque pays, et chaque région avait à son tour sa propre mesure). 

Ensuite,il est dit qu’ils récitaient des prières pendant deux heures afin d’apaiser la lune lorsque son émotion le demandait. 

Ils communiquaient avec leur déesse à travers le feu et les sacrifices animaliers. 

On ne sait pas pourquoi ces deux jours ont été choisis, étant donné que leur symbolique n’a pas grand lien avec leurs croyances (mardi symbolisant Mars, symbole de destruction et violence, samedi symbolisant Saturne, symbole de la sobriété et de l’introspection).

SOMBRER DANS L’HORREUR:

Guérison de la fille de Polimnius, 1480-1490. La-Salle-lès-Alpes, Saint-Barthélémy.

Il est dit que, vers le début de l’année 1357, Tristan Faure tombe malade et devient de plus en plus violent auprès de ses apôtres, jusqu’à les battre. 

Les rites penchent de plus en plus vers l’horreur, au point de s’entailler le bas du dos et verser le sang sur la pierre, nouvel outil de communication avec la déesse. 

     Mais ce qui va amener à la fin de la secte et à la condamnation de Tristan Faure est l’histoire d’Abigaïl de Bauffremont, âgée de vingt-et-un ans au moment des faits.

Adepte des croyances au sujet de Nyx, elle voulut se retirer du groupe et quitter la ville après les excès de violence de l’ancien chapelain. Pris de rage, ce dernier enferma la jeune femme dans une pièce et la tua, la sacrifiant devant la pierre sacrée. Il la jeta ensuite dans les marécages de la ville de l’Isle. 

       Pris d’horreur devant cet acte effroyable, la vingtaine de membres restants ont fui et avoué l’histoire atroce de cet homme qu’ils respectaient auparavant.

Tristan Faure finit condamné à la pendaison sur la place publique, étant considéré comme une honte pour la ville.

Des siècles après, une institution seulement dédiée aux jeunes filles jusqu’en 1970 fut inaugurée au début du XXème siècle. Fénelon est né.

   Il est possible de lire les travaux d’Andrew Botcholevski, mais si vous les voulez, vous irez les chercher vous-mêmes…