Feminism’washing : Les femmes, un outil de com’ ?
- Sophie
- 16 oct. 2024
- 6 min de lecture
Le féminisme est une cause qui a pris
beaucoup de place ces dernières
années, la lutte pour les droits des
femmes perdure et s’est imposée au sein
de notre société. Concernant la
politique, qui a longtemps refusé son
accès aux femmes, elles ont néanmoins
réussi à s’y faire une place. Cependant
son ampleur servira certains, qui le
manipuleront à des fins électorales. En
effet, nous avons eu l’exemple avec les
déclarations d’Emmanuel Macron lors
de ses précédentes campagnes, et plus
récemment avec Jordan Bardella,
représentant du RN, celui-ci ayant
affirmé sur le réseau social Tiktok que
voter pour son parti bénéficierait aux
droits et à la protection des femmes en
France. Il suffit pourtant de se renseigner
ne serait-ce qu’un peu pour remarquer
l’ironie de cette déclaration, faite au nom
du rassemblement national.
Le RN féministe : conversion
ou opportunisme ?
Effectivement, ces déclarations
proclament la liberté des femmes à
s’habiller comme elles l’entendent. Son
parti souhaite néanmoins interdire aux
femmes le port du voile dans l’espace
public, contredisant donc ses propos.
Par la suite, Bardella affirme s’être battu
pour « une meilleure prise en charge des
femmes atteintes d’endométriose », cependant son parti a dû retirer son
projet de loi simplement car l’ALD existe
déjà et prend déjà en charge à 100% les
frais liés à l’endométriose. Il affirme
s’être battu pour le rétablissement de la
demi-part fiscale pour les veuves, qui
est pourtant un projet de loi du parti
Renaissance et qui a été voté à
l’unanimité tant par les députés de
gauche que ceux de droite. Il affirme que
ses députés se battent pour
l’augmentation de places
d’hébergement d’urgence pour les
victimes de violences, bien que ce soit
un projet qui a été proposé par le parti
écologiste. Il affirme avoir soutenu les
projets de loi tels que la prise en charge
des soins liés au traitement du cancer
du sein, tandis que son parti a voté
contre la prise en charge des
dépassements d’honoraires pour les
femmes atteintes de cancer.
Il affirme encore refuser que les droits
des femmes soient un jour remis en
cause : son parti s’est abstenu pour la loi
visant l’égalité salariale homme-femme,
son parti a voté contre un plan d’action visant l’égalité femme-homme, son parti
s’est abstenu face à un plan de lutte
contre les violences sexuelles, son parti
a voté à plusieurs reprises contre la
condamnation de l’interdiction de l’ivg
en Pologne, son parti a voté contre une
loi luttant contre le harcèlement sexuel,
son parti a voté contre la proposition de
loi visant à allonger de délai d’ivg de 12 à
14 semaines. Ces votes ne garantissent
en aucun cas la liberté des femmes à
disposer de leur corps, leur sécurité et
l’égalité des sexes. Il y a un véritable
fossé entre les paroles de J. Bardella et
les actes de son parti. Le
Rassemblement national n’est pas un
soutien à cette cause, ni même inactif
face à celle-ci, il la réprime et s’y oppose.
La grande cause de M.Macron
Ce n’est pourtant pas la première fois,
ces dernières années, qu’un politique
influent instrumentalise le féminisme
lors de sa campagne électorale en
prenant de grands engagements.
Emmanuel Macron l’actuel président
avait lui déclaré en 2017, puis en 2022,
l’égalité H-F comme grande cause de son
quinquennat. Ce que l’on retiendra
réellement de ses deux mandats c’est
sûrement l’inscription de la liberté à l’ivg
dans la constitution, une première dans
l’histoire, car ayant une portée
symbolique importante. Mais
concrètement, sur la question de
l’égalité, plusieurs experts ont fait le
point et Rachel Silvera, économiste et
spécialiste des inégalités de genre dans
le travail, avance que sur le plan de
l’égalité économique et professionnelle :
« les mesures de ce quinquennat ont
surtout favorisé les femmes privilégiées, comme les cadres supérieurs ». Alors
qu’en effet l’égalité salariale devrait se
décliner quels que soient les secteurs.
Sophie Binet secrétaire générale de
l’Ugic-CGT chargée de l’égalité F-H
affirme que ce quinquennat c’est
« beaucoup de discours et finalement
peu d’actes ». Elle estime notamment
que la plupart des réformes,
progressistes à première vue, ne sont en
réalité pas une avancée mais un recul.
Enfin Madame Binet déclare que « la
question des femmes est un outil
marketing. Emmanuel Macron a une
vision stratégique de ces enjeux, mais il
ne veut pas mettre d’argent sur la table et
ne veut imposer aucune contrainte au
patronat. » (Pour en savoir plus à ce
sujet : Magazine Causette « cinq ans de
Macron, les féministes font le bilan », où
ces spécialistes ont été interviewées).
Au-delà des mesures minimes prises par
rapport à l’ampleur des promesses,
certains actes et discours vont à
l’encontre des déclarations. Les
nominations de Gerald Darmanin par
exemple, ainsi que d’Éric Dupond
Moretti, ont beaucoup fait réagir. Le
premier a été nommé à la tête de la
police tout en étant accusé de violences
sexuelles, le second, à la tête de la
justice, s’opposant fermement au
mouvement METOO. Certains propos
notamment, tenus par le président,
prêtent à confusions et ont fait
polémique, comme l’emploi du terme
« réarmement démographique » ou
lorsqu’en dépit des récentes plaintes
pour agressions sexuelles à l’encontre de
l’acteur Gérard Depardieu, M.Macron a
tout de même affirmé que celui-ci
rendait « fière la France ». Simple
maladresse ou stratégie politique ? Les théories fusent, à l’encontre de notre
président s’autoproclamant féministe, à
défaut que la France le considère
comme tel.
L’instrumentalisation du
féminisme
Cependant pour quelle raison, de nos
jours, tant de politiciens tentent de
s’approprier le combat des femmes ?
Tout simplement car ceux-ci ont compris
qu’il y a plus d’avantages que
d’inconvénients à aller dans le sens de la
moitié de la population française, du
moins le temps des campagnes
électorales. D’autant plus si cette partie
de la population se trouve dans une
position d’insécurité, que la peur peut
rendre plus influençable. Il est facile de
le constater, sous la vidéo de Monsieur
Bardella, certaines le considère comme
un sauveur : « NOTRE SAUVEUR » ; « Je
suis atteinte d’endométriose je soutiens
Bardella ! Il est temps d’être entendu » ;
« Un homme qui fait respecter les droits
des femmes !!! » etc. Cela démontre bien
la négligence des gouvernements
actuels vis-à-vis des diverses inégalités
et insécurités liées au genre. Encore
aujourd’hui, 213 000 femmes sont
victimes de violences physique ou
sexuelles de la part de leur conjoint ou
ex-conjoint chaque année, 1 femme sur
6 fait son entrée dans la sexualité par un
rapport non consenti, un viol ou une
tentative de viol a lieu tous 2min30, 1
femme sur 2 a déjà subi une violence
sexuelle en France, 80% des femmes en
situation de handicap ont été victimes de
violences. Ce climat d’injustice et de
peur constante permet donc de
manipuler plus facilement les personnes
concernées. Par le biais du féminisme, ils cherchent à gagner en popularité, et
dans certains cas, manipuler cette
cause de sorte à faire passer une
idéologie précise, propre à leur parti.
Ce racisme camouflé
Un exemple parfait de cette situation,
c’est le Rassemblement National qui a
déjà justifié son idéologie raciste par la
lutte féministe. En 2014 Marine Lepen a
déclaré que 52% des viols commis à
Paris étaient commis par des étrangers
puis affirmé que « si la moitié de ces
violeurs en 2014 avaient été renvoyés
dans leur pays d’origine, probablement
les femmes seraient aujourd’hui plus en
sécurité ». Alors que le chiffre émane
d’un organe officiel l’ONDRP et qu’il a
donc de quoi interpeller. Néanmoins
cette étude précise les biais
méthodologiques qui ne permettent
pas de faire de ce chiffre une généralité.
Il est tout d’abord annoncé que le chiffre
52% ne représente finalement que 43%
du total des 688 viols recensés par
l’étude, ceux-ci sont constitués
seulement de viols déclarés aux
autorités soit à peine 10% des faits selon
les estimations (dès son introduction
l’ONDRP annonce « environ une
personne sur dix seulement se déclarant
[…] de viol porte plainte. ». Le chiffre de
Marine Lepen exclu aussi le cas de viol
sur mineur, donc environ 15% des faits
répertoriés dans lesquels les étrangers
ne représentent que 22% des mis en
cause. Enfin il est précisé que l’accusé
au début de la procédure judiciaire n’est
pas forcément le condamné en cas de
procès.
Encore aujourd’hui des déclarations
comme celles-ci persistent, se
propageant en partie grâce à l’idée que se font généralement les personnes d’un
viol : le viol de rue. Néanmoins bien que
cela puisse arriver, il ne faut pas en faire
une généralité. En effet, dans 91% des
cas de violences sexuelles, les femmes
connaissent leur agresseur. Par ailleurs,
les chiffres démontrent que 75% des
attaques islamophobes visent les
femmes, des attaques provoquées par
une idéologie raciste et discriminatoire,
qui est largement propagée par les partis
d’extrême droite.
Le sort des femmes est enfin devenu un
thème majeur dans la politique, où
celles-ci se font fait une place. Ainsi, il ne
faut pas laisser cette cause grandissante
entre de mauvaises mains, cette cause
riche de milliers d’années de lutte pour
des droits légitimes, cette cause qui est
une réelle priorité et non un simple outil
de propagande politique, d’autant plus si
finalement les décisions prises vont à
l’opposé des déclarations.
Sophie Mounis
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